"Les Cendres de la cruaté" de Blaise Kaptue
Note de lecture de Glory Huambo, Secrétaire général de l'antenne Ronde des Poètes de la ville de Douala
Le Cameroun et l’Afrique n’ont pas fini de faire le point sur le cinquantenaire de leur indépendance, et voilà que Blaise Kaptue assume sa plume, pour mettre à nu les cendres qui ont suivi la cruauté de ces cinquante dernières années. Nous projetant sous les décombres de l’animosité humaine, Les Cendres de la Cruauté interroge justement notre conscience morale comme l’étoffe en catastrophe l’anaphore des premières strophes de L’Ombre de la mort :
« Enfants de la vallée des mines
Enfants des contrées de la famine
Enfants des cités des bombes
Enfants des abus et hécatombes
Enfants du pénitencier des atrocités
Enfants des tranchées de la cruauté
Enfants contraints aux travaux sordides
Enfants des rues honteuses et horribles »
A la fois engagé et dégagé, le jeune Kaptue à travers des vers lucides et translucides, stigmatise avec prestance et insistance tous les préjudices et injustices qui font perdre le sourire au commun des Camerounais.
«Rendez moi mon sourire
Coincé dans un tunnel
Truffé de querelles
Sans la moindre issue
Et dans le bal des abus
Rendez moi mon sourire
Dénué d’éducation
De santé et d’émotion
Errant en un quotidien hideux
Au souffle fibreux et poussiéreux...
Rendez moi mon sourire
Mon sourire
Mon sourire
Mon sourire »
Fort heureusement, la multitude de turpitudes qui coûtent le sourire au jeune poète n’occulte aucunement les éloges qu’il n’ose tarir à l’endroit de la Femme Africaine :
«.. Un gosse au dos et d’autres aux bras
Et ceux qui attendent de naître
Parfois le temps est très froid
Mais tu es caution de la foi des ancêtres
Parfois tu marches pieds nus dans la brousse
Le chant des hiboux ne t’inflige pas de frousse
La pluie du soleil ou les pistes de campagne
Ont pour toi la même beauté que la montagne »
Aussi nostalgique qu’apologique, Kaptue n’oublie pas d’où il vient, Bandjoun sa ville d’origine pour qui il chante l’espérance :
« ...Terre bénie de Dieu
Héritage montagneux
Voici mon plus profond cri
Lancé afin que tu sois toujours uni
Terre que moule tradition et coutume
Qui émerge sous un ciel d’espérance
Et qui croît avec force et fulgurance
Que ce chant efface toute ton amertume »
Que dire de plus après lecture du recueil Les Cendres de la Cruauté si ce n’est merci ! Merci à Blaise Kaptue d’être parvenu à nous démontrer que le poète peut s’insurger et fustiger tout en restant appliqué à la beauté de son art.
NB: "Les cendres de la cruauté", éditions Ifrikyia, 2010